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(Blogmensgo, 7 décembre 2010) Comme promis hier, quelques mots sur le livre Just Kids de Patti Smith. Il ne s’agit pas d’une autobiographie à part entière, mais de l’évocation du photographe homosexuel Robert Mapplethorpe exclusivement à travers son interaction dans la vie et la construction artistique de Patti Smith.
Pour qui ne le saurait pas déjà, le livre montre très clairement que Robert Mapplethorpe n’était pas juste un photographe de cul(s) ni Patti Smith juste une chanteuse de rock. Tous deux appartiennent à la catégorie des artistes protéiformes par la diversité des talents, uniformes par la qualité de ces talents. Rappelons aussi que Robert Mapplethorpe a vécu – et fait l’amour – avec Patti Smith avant de prendre conscience qu’il était homosexuel. Le livre montre en particulier par quelle démarche artistique Mapplethorpe s’est orienté vers sa véritable identité sexuelle.Just Kids a obtenu le National Book Award 2010 dans la catégorie document. L’œuvre de Patti Smith fait partie des Vingt meilleurs livres de l’année 2010 selon Le Point. Si le trophée américain semble indiscutable, on ne saurait en dire autant des lauriers tressés par un hebdomadaire français qui confond le dos et la tranche d’un livre et dont le palmarès aura fait rire plus d’un amoureux de la vraie littérature.
Cela dit, Just Kids est avant tout une œuvre d’écriture façonnée par une écrivaine qui ne pratique pas la minauderie narcissique. Les premières pages, notamment, attestent un talent d’écriture très au-dessus de la moyenne voire exceptionnel. On trouvera ci-dessous quelques citations relatives à l’homosexualité de Mapplethorpe et à la manière dont celle-ci fut perçue par Robert et Patti.
(Les citations et paginations correspondent au texte anglais de l’édition reliée publiée par Ecco. C’est moi qui traduis.)
« I had thought a man turned homosexual when there was not the right woman to save him, a misconception I had developed from the tragic union of Rimbaud and the poet Paul Verlaine. Rimbaud regretted to the end of his life that he could not find a woman with whom he could share his full being, both physically and intellectually. » (p. 77)
« Je croyais qu’un homme devenait homosexuel quand il n’y avait pas de femme en mesure de le sauver, opinion erronée que j’avais héritée de l’union tragique entre Rimbaud et le poète Paul Verlaine. Rimbaud regretta jusqu’à la fin de sa vie de ne pouvoir trouver une femme avec qui il eût pu partager tout son être, tant physiquement qu’intellectuellement. »
[Update du 30 décembre 2010. Cette interview de Patti Smith par la chaîne publique PBS évoque le contexte et la gestation de Kust Kids.]« I realized that [Robert] had tried to renounce his nature, to deny his desires, to make things right for us. For my part, I wondered if I should have been able to dispel these drives. He had been too shy and respectful and afraid to speak of these things, but there was no doubting he still loved me, and I him. » (p. 78)
« Je compris que [Robert] avait tenté d’abdiquer sa nature, de nier ses désirs, afin que tout aille bien pour nous. Quant à moi, je me demandais s’il fallait que je dissipe ces penchants. Il était trop timide, respectueux et craintif pour parler de ces choses-là, mais on ne pouvait douter qu’il m’aimait encore et que je l’aimais. »
« Robert was devastated that Tinkerbelle had told me not only that he was having an affair, but that he was homosexual. It was as if Robert had forgotten that I knew. It must have also been difficult as it was the first time he was openly identified with a sexual label. His relationship with Terry in Brooklyn had been between the three of us, not in the public eye. » (p. 156)
« Robert était effondré que Tinkerbelle m’ait dit que non seulement il avait une liaison, mais qu’il était en outre homosexuel. C’était comme si Robert avait oublié que je le savais. Cela dut être aussi difficile puisque c’était la première fois qu’il était ouvertement identifié à travers sa sexualité. Sa liaison avec Terry à Brooklyn était juste entre nous trois, pas une affaire publique. »
« Even at this point Robert was still asking questions about himself and his drives. He wasn’t comfortable being identified in terms of his sexuality, and questioned whether he was hustling for money or pleasure. He could talk about these things with Jim because Jim wasn’t judgmental. They both took money from men, but Jim had no problem with it. For him, it was just business.
“How do you know you’re not gay?” Robert would ask him.
Jim said he was sure. “Because I always ask for money.” » (p. 164)
« Même à cette époque Robert continuait de se poser des questions sur lui-même et sur ses penchants. Il lui était pénible d’être identifié en termes de sexualité et se demandait s’il faisait le tapin pour l’argent ou pour le plaisir. Il pouvait parler de ces choses-là avec Jim, car Jim ne portait pas de jugement. Pour lui, c’était juste un business.
“Comment sais-tu que tu n’es pas gay ? » lui demandait Robert.
Jim en était certain. “Parce que je me fais toujours payer.” »
« He had been chided for denying his homosexuality; we were accused of not being a real couple. In being open about his homosexuality, he feared our relationship would be destroyed. » (p. 200)
« Il se faisait réprimander pour avoir nié son homosexualité ; on nous accusait de ne pas être un vrai couple. Il craignait qu’en ne cachant plus son homosexualité cela ne détruise notre relation. »
Bref, un livre à lire immédiatement… ou à se faire offrir pour les fêtes de fin d’année.
Patti Smith, Just Kids. 2010, Ecco pour l’édition américaine en version reliée (env. 280 pages) ou brochée, Denoël pour l’édition française traduite par Héloïse Esquié (il paraît que la traduction est très bonne).
Philca / MensGo