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(Blogmensgo, 6 juin 2011) Le sida est entré dans sa quatrième décennie depuis sans doute plusieurs années. On considère néanmoins qu’il a 30 ans, puisque c’est le 5 juin 1981 que la maladie – qui ne s’appelait pas encore sida – a pour la première fois été officiellement considérée comme une épidémie.
Le sida fut d’emblée surnommé « cancer gay », car il semblait ne concerner que la communauté homosexuelle. Très vite, de nombreux cas sont apparus chez les toxicomanes et les hémophiles, puis chez les hétéros. Il a pourtant fallu des années, voire presque des décennies, pour que la double équation sida égale homosexualité et homosexualité égale sida cesse d’être brandie comme un épouvantail en direction de l’opinion publique. La stigmatisation par le sida continue encore aujourd’hui – c’est dire à quel point elle était encore plus insupportable lorsque les gens assimilaient systématiquement la pandémie à l’homosexualité – et de nombreux gays ou bisexuels ne veulent pas se faire dépister par peur de la stigmatisation à l’encontre des séropos.
Trente ans plus tard, les antirétroviraux – dont la liste des dénominations commerciales tenue à jour par Wikipédia s’est beaucoup allongée – ont eu le temps de prouver leur efficacité à titre curatif, surtout en trithérapie (association de trois principes actifs) depuis 1996. Les trithérapies ont techniquement beaucoup évolué, jusqu’à ne plus mobiliser qu’un seul comprimé quotidien. Le plus connu de ces antirétroviraux est l’Atripla : un seul comprimé par jour, mais plusieurs centaines d’euros par mois.
Le prix de l’Atripla (les tarifs en France étaient de 830 euros mi-2009 et environ 780 euros début 2010) et de la plupart de ses concurrents réserve ce genre de thérapie aux seuls patients des pays nantis disposant d’un bon système de prise en charge ou de remboursement des soins. Les pays en développement bénéficient de dons à dose homéopathique et de traitements à moitié prix environ (ce qui reste inaccessible à la quasi-totalité des patients), faute de quoi ils doivent se rabattre sur des molécules plus anciennes et plus ou moins bien supportées par le corps humain. Même les antirétroviraux peu récents font défaut dans ces pays (alors que l’on recense 67 % des cas de VIH/sida en Afrique), par manque de moyens et de volonté politique. Les grands laboratoires freinent le recours aux médicaments génériques et les grandes puissances rechignent à financer les génériqueurs.
Les trithérapies ont sauvé des milliers de vies, elles freinent la propagation de la pandémie et elles permettent aux sidéens de vivre une vie presque normale. Mais il ne s’agit là que d’une face de la médaille antisida, celle du traitement curatif. L’autre face de la médaille, celle du vaccin préventif, reste vierge de toute inscription lisible.
Commentaire. L’autre grand frein à la généralisation des thérapies, c’est le manque d’information. Le manque d’information laisse la porte ouverte à la désinformation, donc aux raisonnements simplistes, aux jugements hâtifs et à la stigmatisation. Le simple fait que le site web d’Atripla soit théoriquement réservé aux plus de 18 ans est assez révélateur.
[Update du 7 juin 2011. Je viens de publier une sorte de suite à cet article. Et sur notre blog anglophone, Matt propose une adaptation de mon article d’aujourd’hui en lui apportant de très utiles compléments.]Philca / MensGo
(via Le Figaro du 5 juin 2011, ici et ici)