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(Blogmensgo, 10 décembre 2012) La Cour suprême des États-Unis va débattre en mars 2013 et statuer en juin 2013 sur la constitutionnalité du mariage homosexuel et de son interdiction. Les neuf sages ont décidé, le 7 décembre 2012, d’examiner deux des affaires qui lui ont été soumises ces derniers mois.
Pour le contexte général et un rapide survol historique, on se reportera à notre article du 30 novembre 2012. Je n’évoquerai ci-après que les éléments nouveaux ou intervenus depuis lors.
Les deux affaires dont la Cour suprême accepte de se saisir dès maintenant sont d’une part le référendum californien (Proposition 8) ayant invalidé le mariage entre personnes de même sexe, d’autre part la plainte d’Edith Windsor contre la section 3 de la loi fédérale sur le mariage (Defence of Marriage Act) qui prive cette femme du régime successoral réservé aux hétéros après la mort de sa compagne qu’elle avait épousée légalement au Canada.
L’actuelle loi fédérale accorde le bénéfice d’une taxe successorale réduite, d’une pension de réversion et d’avantages divers au conjoint survivant légalement marié, sous réserve que le défunt et le survivant soient de sexes différents. Donc tout pour les hétéros et rien pour les homos.
Si la Cour suprême donne raison à Edith Windsor, la portée de son arrêt se limitera très certainement à deux cas de figure bien précis : les couples homosexuels déjà mariés à titre légal, et les couples homosexuels qui se marieront dans les neuf États (Connecticut, Iowa, Maine, Maryland, Massachusetts, New Hampshire, New York, Vermont, Washington, auxquels s’ajoute le District de Columbia où se trouve la capitale fédérale Washington) ayant autorisé le mariage gay ou étant sur le point de le faire.
Autrement dit, un arrêt favorable de la Cour suprême serait en principe sans effet sur les 41 États qui n’ont pas spécifiquement légalisé le mariage gay.
Ce ne sont pas les partisans du mariage gay mais ses adversaires qui ont saisi la Cour suprême, afin de faire valider au plus haut niveau l’issue de la Proposition 8. Le référendum de 2008 qui porte ce nom avait obtenu, par une majorité des suffrages, l’invalidation du mariage homosexuel en Californie. Une juridiction d’appel avait ensuite invalidé le référendum sans pour autant valider le mariage gay, imposant de facto un moratoire sur le mariage gay et lesbien dans l’État le plus peuplé des États-Unis.
Que la Cour suprême accepte de connaître de cette affaire aura surpris plus d’un observateur, quel que soit son camp.
Même si la Cour fédérale statuait contre la Proposition 8 et en faveur du mariage gay, sa décision ne serait en principe applicable qu’à la seule Californie. En revanche, une validation de la Proposition 8 serait pain bénit pour les actuelles et futures législations homophobes des autres États de l’Union.
Contrairement à une idée répandue, la Cour suprême est une juridiction frileuse et conservatrice. Ses « avancées » majeures en matière de libertés individuelles et de droits de la personne se bordent à un suivisme plus ou moins en retard sur l’évolution des mœurs. Du moins est-ce ainsi que partisans et opposants au mariage gay envisagent les choses.
Chaque fois que la Cour suprême a pris des arrêts hautement progressistes, elle n’a fait que suivre la loi du plus grand nombre, ou plus exactement donner tort au plus petit nombre.
En 2003, la Cour suprême a jugé inconstitutionnelle l’interdiction de la sodomie alors que seuls 13 États maintenaient des lois spécifiques à son encontre.
En 1967, la Cour suprême prohibait toute interdiction des mariages interraciaux alors que 16 États seulement refusaient les mariages mixtes.
En 1954, elle réléguait aux oubliettes un apartheid éducatif que seuls 17 États pratiquaient encore.
Pas moins de 30 États ont inscrit l’interdiction du mariage gay dans leur propre Constitution. Pour que le mariage gay l’emporte à l’échelle fédérale, il faudrait donc primo que la Cour suprême se dresse face à une forte majorité d’États, secundo qu’elle donne à son ou ses arrêts un caractère exécutoire sur l’ensemble du territoire national, tertio qu’elle se prononce de la sorte par au moins cinq voix sur neuf – alors que quatre voix sur neuf suffisaient pour valider une saisine de la juridiction suprême des États-Unis.
La seule fois que la Cour suprême a statué à contre-courant des législations dominantes, c’était en 1973 au sujet du droit à l’avortement. L’interdiction d’avorter n’était toutefois pas inscrite dans la Constitution des États, contrairement à l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe. Or, la Cour suprême avait étendu la portée de son arrêt non pas au seul État (le Texas) concerné par l’affaire en question, mais à l’ensemble du territoire national, donc à tous les États de l’Union.
Les deux doyens – mais pas les plus âgés – de la Cour suprême sont Antonin Scalia et Anthony M. Kennedy. Tous deux nés en 1936, ils ont été nommés respectivement en 1986 et en 1988 par Ronald Reagan. La plupart des commentateurs s’accordent à penser que Kennedy sera l’homme-clé dans cette double affaire. De profil, il ressemblerait à une girouette ; de face, il ressemble à un Californien natif de Sacramento. Mais nul ne précise la couleur du bulletin qu’il a mis dans l’urne au sujet de la Proposition 8.
Philca / MensGo