Blog for the LGBT community, informative and amusing – A new vision for the world
(Blogmensgo, blog gay du 24 février 2014) Quoi lire ? Alors que je m’apprêtais à ouvrir Giovanni’s Room de l’écrivain américain James Baldwin, deux premiers romans écrits par de jeunes auteurs français me font de l’œil. Trois livres où l’homosexualité joue un rôle majeur.
Commençons par la fin. Je n’ai pas lu Giovanni’s Room (Giovanni mon ami ou La chambre de Giovanni, selon les traductions) mais j’en ai déjà mis l’ebook dans ma liseuse. Je n’ai pas lu En finir avec Eddy Bellegueule, roman d’Édouard Louis qui fait le buzz dans les médias, mais je me le suis offert en numérique. Et je n’ai pas lu non plus Juliann Green ou l’inverti, de Clément José Cerqueira.
Dans ces trois livres, on parle beaucoup d’homosexualité. Et les deux romans français et leurs auteurs respectifs présentent, en apparence, des similitudes frappantes. Dans ces deux derniers cas, plusieurs coïncidences me confortent dans l’urgence d’écrire sur ces livres avant même de les avoir lus.
Juliann Green ou l’inverti est l’œuvre de Clément Cerqueira, 19 ans, natif de Brive, étudiant en droit à Limoges, et son roman se passe en partie à Bordeaux.
En finir avec Eddie Bellegueule est le premier roman mais la seconde œuvre (après un livre consacré à Pierre Bourdieu) d’Édouard Louis, 21 ans, élève à l’École normale supérieure (lire ce long article sur la réception du livre).
Dans les deux cas, le protagoniste (Eddy Bellegueule ici, Juliann Green là) est confronté à un entourage et un milieu familial homophobes où la violence des paroles et parfois des gestes tient lieu de manière d’être.
Il me faut parler ici des coïncidences qui m’ont convaincu d’évoquer ces deux premiers romans. Il se trouve que je suis en train de lire les Carnets de notes de Bergounioux, journal intime de plus de trois mille pages réparties en trois ebooks dont le prix unitaire dépasse les 30 € [1], [2], [3] mais les vaut amplement. Pierre Bergounioux n’est nullement homosexuel. La violence du verbe et des sentiments, qu’il a subie pendant son enfance et son adolescence, présente des points communs avec la violence des comportements homophobes. Surtout, Bergounioux s’est abstrait de la fatalité familiale par l’étude. Son parcours éducatif l’a conduit successivement de sa Brive natale jusqu’à Limoges, Bordeaux, Paris et l’École normale supérieure. « L’intelligence de Bourdieu, sa rigueur, sa puissance étourdissent », note Bergounioux le 7 décembre 1995. Treize mois plus tard, le 8 janvier 1997, Bergounioux et Bourdieu se rencontrent. Bergounioux, véritable machine à lire, demande à Bourdieu comment il parvient à lire autant. « C’est, me répond-il, qu’il est insomniaque. »
Cela fait beaucoup de coïncidences. Ajoutons-en une. Le livre d’Édouard Louis s’enracine en Picardie et les protagonistes y mélangent volontiers picard et français. Bourdieu, lui, parlait couramment le gascon, nous apprend Bergounioux dans sa note du 8 janvier 1997. Quoi qu’il en soit, l’auteur d’Eddy Bellegueule donne à la langue parlée une importance considérable pour restituer l’homophobie et les stéréotypes dans toute la splendeur de leur beaufitude. Tiens, ça me rappelle aussi La meilleure part des hommes de Tristan Garcia, autre premier roman d’un normalien dont j’avais parlé il y a plus de cinq ans ici même et, là encore, sans avoir lu le livre – que j’ai ensuite longuement feuilleté en librairie avant de le reposer sans l’emporter.
Juliann Green ou l’inverti multiplie d’emblée les allusions et le vocabulaire littéraires. Par son titre, le livre se place sous l’ombre tutélaire de Julien Green (lui aussi auteur d’un monumental journal intime, lequel ne vaut pas tripette par rapport à ses romans) et d’un lexique savamment choisi. La quatrième de couverture confirme ce choix d’une langue raffinée jusqu’à la préciosité, de mots savants qui le sont parfois trop : spleen, duper, intrusive, incessamment, ataraxie, inverti, obscurantisme, proscrit, farder, repentir. Mais, rappelle la quatrième de couverture, l’auteur fut « marqué par le monde de la littérature et de l’écriture dès l’adolescence ». On l’aurait aisément deviné.
Le dossier de presse précise que « Juliann Green ou l’inverti est une fiction, mélangeant les caractéristiques de la littérature gay et de la psychologie, avec un arrière-goût de sociologie ». J’ignore quelles sont « les caractéristiques de la littérature gay », mais l’auteur semble sympathique et son sujet, en plus d’être très actuel malgré l’absence volontaire de dates dans le roman, ne peut pas laisser indifférent. Prions pour que l’écriture de ce livre soit moins grandiloquente que sa quatrième de couverture.
Me laisserai-je tenter ? Et par lequel de ces trois romans en premier ? Réponse, peut-être, dans un prochain article.
Spoiler : Giovanni était mon premier choix, mais puisque mon meilleur ami est en conférence oculaire avec Eddy Bellegueule, je modifierai peut-être mes priorités (ou pas).
En résumé :
Philca / MensGo