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(Blogmensgo, blog gay du 19 janvier 2015) La Cour suprême des États-Unis a accepté, le 16 janvier, de statuer prochainement sur la constitutionnalité ou l’inconstitutionnalité du mariage entre personnes de même sexe. La plus haute juridiction américaine a finalement choisi de se saisir du dossier, après s’être dans un premier temps abstenue de dévoiler ses intentions. L’affaire devrait être examinée en avril 2015 et l’arrêt est attendu pour juin 2015.
La saisine de la Cour suprême porte sur l’interdiction du mariage homosexuel dans quatre États (Kentucky, Michigan, Ohio et Tennessee) et sur la non-reconnaissance par ces États de telles unions légalement contractées ailleurs.
Comme indiqué dans notre article du 14 janvier 2015, cette saisine fait suite à un arrêt de la 6e cour d’appel fédérale confirmant la légalité d’une interdiction du mariage homosexuel dans ces quatre mêmes États (cf. notre article du 7 novembre 2014).
Les couples homosexuels déboutés ont donc porté l’affaire devant la Cour suprême fédérale. Ils avaient aussi la possibilité d’interjeter appel devant la 6e cour d’appel fédérale, cette dernière ayant statué en formation restreinte (par deux voix contre une).
La décision prise en novembre dernier par la cour d’appel inversait une série judiciaire favorable au mariage gay et ininterrompue pendant seize mois (cf. notre article du 26 juin 2013). Depuis juin 2013, quand les juges de la Cour suprême avaient en partie retoqué la loi fédérale de 1996 sur le mariage, plus connue sous son acronyme américain Doma (Defense of Marriage Act).
La loi Doma, avait estimé la Cour suprême fédérale, était inconstitutionnelle par ses dispositions qui ne traitent pas les couples homosexuels mariés de la même manière que les couples hétérosexuels mariés. De la même manière, c’est-à-dire en respectant le principe d’égal traitement à l’égard de tous les citoyens.
Mais l’arrêt du 26 juin 2013 s’appliquait exclusivement aux droits et avantages de nature fédérale. Autrement dit, deux gays mariés dans le Massachusetts (où le mariage gay est légal) mais qui résident dans le Dakota du Nord bénéficient de tous les avantages réservés aux couples mariés par le gouvernement fédéral, alors même qu’ils ne sont pas reconnus comme un couple marié par le Dakota du Nord, où le mariage reste défini comme l’union entre un homme et une femme.
Ce même 26 juin, la Cour suprême fédérale avait argué d’un vice de procédure pour refuser de statuer sur l’invalidation de la Proposition 8 en Californie. La Proposition 8 correspond au référendum de 2008 qui avait aboli le mariage entre couples de même sexe.
La Cour suprême fédérale a opté dans cette nouvelle affaire pour un calendrier resserré. Les plaignants ont jusqu’au 27 février 2014 pour déposer leurs conclusions, puis les quatre États auront jusqu’au 27 mars pour faire de même. Les ultimes dépositions sont attendues pour le 17 avril et un débat contradictoire de deux heures et demie se tiendra fin avril.
Le délibéré pourrait durer jusqu’à fin juin ou peut-être début juillet 2015.
La plus haute juridiction américaine doit auditionner toutes les parties et se pencher sur leurs arguments respectifs. L’argumentation se focalisera sur le 14e amendement de la Constitution américaine. Cet amendement stipule « l’égale protection des lois » pour l’ensemble des citoyens (section 1). Autrement dit, l’État peut-il à bon droit dénier cette égale protection des lois à une catégorie d’individus, en l’occurrence aux couples homosexuels ?
Faute de critères objectifs précis, la Cour suprême statue en dernier ressort sur la légalité du traitement différencié de certaines catégories d’individus. Les sages de la juridiction suprême appuient en général leurs conclusions au regard de deux questions fondamentales : ce traitement différencié a-t-il un « fondement rationnel » ? et correspond-il à un « objectif légitime de l’État » ?
Cette double question se posera tant pour l’autorisation du mariage homosexuel dans un État que pour la reconnaissance par un État d’un tel mariage légalement contracté ailleurs.
Le verdict final dépendra sans doute de la manière dont les neuf sages choisiront de se poser la question essentielle. Il y a deux manières d’envisager le 14e amendement. Cet amendement autorise-t-il un État à ne pas inclure les couples homosexuels dans le droit au mariage ? Ou bien cet amendement oblige-t-il un État à ne pas faire de différence entre couples homos ou hétéros au regard du mariage ?
Cela revient aussi à définir le statut du mariage homosexuel : s’agit-il d’une simple possibilité ou bien d’un droit fondamental ?
La Cour suprême peut se soustraire à un jugement dans un ou dans l’autre sens, en invoquant un prétexte quelconque. Part exemple un vice de procédure, une irrecevabilité ou une exception d’incompétence.
Aucun des trois cas de figure ci-dessus ne semble vraisemblable. La Cour suprême ne cherchera sans doute pas d’échappatoire, contrairement à l’épisode de la Proposition 8 en juin 2013.
Un quatrième scénario ne saurait être exclu : l’ajournement de l’affaire, au cas où plusieurs des neuf sages viendraient à mourir ou à ne plus être en mesure de délibérer. Mais comme trois suppléants font déjà antichambre, il faudrait donc un concours de circonstances funestes que l’on n’ose pas envisager.
La plus haute juridiction peut en théorie se borner à statuer sur les seules affaires qui lui sont soumises. Autrement dit, avec une portée limitée au territoire des quatre États en question : Kentucky, Michigan, Ohio et Tennessee.
Les neuf sages peuvent, là aussi en théorie, disjoindre les quatre affaires. Donc statuer État par État, ou encore thème par thème (mariage homo d’une part, reconnaissance du mariage homo d’autre part). Là encore ce serait reculer pour peut-être mieux sauter.
Mais pourquoi disjoindre des affaires après les avoir groupées ? Les observateurs américains savent pertinemment que les quatre affaires ont été regroupées sous la dénomination du procès dans l’Ohio (affaire Obergefell v. Hodges).
Mais si le jugement est défavorable à la communauté LGBT, par quel artifice ne pas en étendre la portée à la dizaine d’États qui continuent de proscrire le mariage gay et lesbien ?
Et si l’arrêt de la Cour suprême fédérale est favorable au mariage entre personnes de même sexe, comment ne pas en étendre la portée à l’ensemble des États-Unis ? C’est d’autant plus plausible que l’administration Obama fera dans cette affaire une déposition favorable au mariage gay.
Aujourd’hui, le mariage homo est légal dans 36 États regroupant 70 % de la population américaine, donc une extension à l’ensemble du pays viendrait plus confirmer un état de fait que provoquer une véritable révolution sociétale.
Si l’arrêt de la Cour suprême s’applique à l’ensemble du territoire national et qu’il oblige au moins de nombreux États à modifier leur Constitution ou leur législation dans un sens ou dans l’autre, alors son impact sur la campagne pour l’élection présidentielle de novembre 2016 sera majeur.
Les républicains ont beaucoup à perdre si tout le pays bascule du jour au lendemain dans le mariage gay. Et les démocrates – en ballottage défavorable sachant qu’Obama ne peut briguer un troisième mandat – ont encore plus à perdre s’ils n’obtiennent pas une décision favorable à une communauté LGBT qui réside surtout dans des États à dominante démocrate.
Si la Cour suprême ne se défile pas et livre son arrêt en milieu d’année 2015, elle aura pris quoi qu’il arrive une décision historique. Mais la balance de la justice fédérale peut basculer aussi bien dans un sens que dans l’autre. D’où l’attention que les médias et le grand public américains porteront dans les mois qui viennent au juge Anthony M. Kennedy. Parmi les neuf sages, il est généralement considéré comme le plus susceptible de basculer, à tout moment et sans indice préalable, dans un sens ou dans l’autre.
Une chose est sûre, les neuf sages seront tous – et en particulier Kennedy – soumis à un feu roulant d’arguments, d’appels, de témoignages, de conseils et d’incitations en provenance des deux camps.
Mais les neuf sages, soucieux avant tout de donner le dernier mot au droit, ne sauraient s’en effrayer – du moins en principe.
Philca / MensGo