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(Blogmensgo, blog gay du 27 janvier 2015) La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné l’Italie, dans un arrêt rendu le 27 janvier 2015, pour n’avoir pas fait primer « l’intérêt supérieur d’un enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger ». L’Italie refusait d’établir un certificat de naissance et un certificat de filiation, au motif que la GPA est illégale en Italie et que l’enfant est né d’une mère porteuse à l’étranger.
Après avoir été déboutés par la Cour de cassation italienne (cf. notre article du 12 novembre 2014), les parents adoptifs de l’enfant – né à Moscou il y a bientôt quatre ans – ont porté l’affaire devant la CEDH (requête n° 25358/12) qui leur a donné raison à titre partiel et provisoire (arrêt n° 028/2015).
La décision deviendra définitive si aucune des parties ne fait appel dans les trois mois qui suivent le prononcé du jugement.
La CEDH a jugé que l’intérêt et le bien-être de l’enfant étaient plus importants à la fois que l’illégalité de la GPA en Italie, que l’absence de lien biologique avec l’enfant (les deux parents adoptifs sont stériles) et que la courte période pendant laquelle l’enfant a vécu avec ses parents adoptifs (la justice italienne leur en ayant retiré la garde).
Seul « un cas de danger immédiat » pour l’enfant aurait pu justifier que l’on éloigne l’enfant de ses parents adoptifs, a de surcroît estimé la cour.
La double décision a été prise au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cet article concerne le droit au respect de la vie privée et familiale.
Condamnée aux dépens, l’Italie devra par conséquent verser 20 000 € aux requérants « pour dommage moral ».
En revanche, la CEDH a refusé les demandes formulées par le couple au nom de l’enfant, estimant « qu’ils n’ont pas qualité pour agir pour son compte ».
La cour a également refusé de statuer sur l’illégalité de la GPA en Italie : « l’application du droit italien par les juridictions nationales […] n’était pas arbitraire et les mesures prises s’appuyaient sur des dispositions de droit interne », précise la CEDH dans ses attendus, tout en indiquant que deux des sept juges ont fait valoir une opinion en partie divergente.
Enfin, la CEDH a refusé d’ordonner la restitution de l’enfant à ses parents adoptifs, bien qu’ils s’en soient parfaitement occupés pendant les six mois où il a vécu avec eux. L’enfant ne sera pas restitué car il a « certainement développé des liens affectifs avec la famille d’accueil chez laquelle il vit depuis 2013 ».
Les époux G.C. (né en 1955) et D.P. (née en 1967), qui demeurent à Colletorto (Italie), ont vainement tenté à plusieurs reprises d’avoir un enfant par fécondation in vitro.
La GPA étant interdite par la loi italienne, ils ont mandaté la société russe Rosjurconsulting qui leur a permis de trouver une mère porteuse en Russie, où l’enfant est né le 27 février 2011.
Après diverses péripéties, le couple n’a pas pu faire inscrire l’enfant sur les registres de l’état civil italien. Les parents adoptifs n’ont pas pu obtenir un certificat de filiation, au motif que la GPA est illégale en Italie, et l’enfant leur a été retiré sous prétexte que son adoption était entachée de fraude.
(Pour les détails, relire notre article.)
Commentaire. La CEDH a sauvé la face en condamnant l’Italie aux entiers dépens.
Mais la CEDH a aussi botté en touche, faute de se prononcer clairement sur l’interdiction de la GPA en Italie. Dans une affaire similaire concernant la GPA en France (cf. notre article du 26 juin 2014), la CEDH s’était bien gardée de statuer sur l’interdiction de la GPA.
Surtout, l’interdiction de la GPA a été utilisée pour rompre brutalement des liens affectifs et familiaux déjà formés.
(L’affaire eût été identique dans le cas d’un couple homosexuel, donc peu importe qu’il s’agisse ici d’un couple hétéro.)
La CEDH conforte finalement l’Italie dans sa brutalité administrative en interdisant aux parents adoptifs d’élever leur enfant et en présumant (sans chercher à le vérifier) que l’enfant est aimé par sa famille d’accueil… qui ne le restera peut-être pas indéfiniment.
Bref, un jugement de Salomon sans la sagesse de Salomon.
Philca / MensGo
(via Le Figaro du 27 janvier 2015)