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(Blogmensgo, blog gay du 30 novembre 2015) Le ministre fédéral des Finances, Arun Jaitley, a demandé le 28 novembre 2015 à la Cour suprême de dépénaliser l’homosexualité en Inde. La plus haute juridiction avait refusé de le faire, en décembre 2013 puis en 2014.
Le ministre Arun Jaitley a dit s’exprimer à titre personnel, bien qu’il l’ait fait d’une manière solennelle.
Le 29 novembre 2015, la Delhi Queer Pride organisait la 8e édition de la Gay Pride locale. Les participants réclamaient eux aussi l’abrogation de la section 377 interdisant l’homosexualité. Ils demandaient en outre la reconnaissance effective des droits des personnes trans, conformément à une loi validée par la Cour suprême.
Jamais auparavant le Premier ministre Narendra Modi et son parti politique, le BJP, n’avaient eu de propos favorables à l’homosexualité. Il y a quelques mois, un ministre qui envisageait de dépénaliser l’homosexualité avait aussitôt démenti ses propos à travers un communiqué résumant l’homosexualité à un « trouble génétique ». Un dirigeant du BJP, Ram Madhav, avait certes estimé « discutable » la criminalisation de l’homosexualité, mais en s’exprimant à titre personnel.
En revanche, plusieurs partis d’opposition ont dit qu’ils apporteraient leur soutien au gouvernement BJP – minoritaire au Sénat – si celui-ci présentait un projet de loi favorable à la dépénalisation de l’homosexualité.
Sonia Gandhi et Rahul Gandhi, respectivement présidente et vice-président du Congrès, ont eux aussi plaidé pour l’abrogation d’une « loi archaïque, répressive et injuste ».
L’homosexualité en Inde est réprimée par la section 377 du code pénal, instituée sous l’ère coloniale britannique (1860) et inchangée depuis lors. Les actes sexuels « contre nature » y sont passibles de dix années d’emprisonnement. Cette section du code pénal, bien qu’en vigueur, n’est plus appliquée. Elle sert néanmoins de prétexte à la police pour harceler, quand bon lui semble, les personnes LGBT – en particulier les travailleurs du sexe et les personnes trans.
La haute cour de Delhi avait jugé ce texte inconstitutionnel, mais son arrêt du 2 juillet 2009 était applicable uniquement dans le territoire de la capitale fédérale. Le 11 décembre 2013, un arrêt de la Cour suprême cassait ce jugement, estimant que seul le législateur – donc le parlement fédéral – est en mesure d’abroger la section 377 du code pénal (cf. notre article du 11 décembre 2013).
(Contrairement à ce qu’affirment les deux médias cités comme sources de cet article, la section 377 n’a jamais été rétablie pour la simple raison qu’elle n’a jamais été abrogée.)
Commentaire.
« When millions of people world over are having alternative sexual preferences, it is too late in the day to propound a view that they should be jailed. The Delhi high court's view appears more acceptable. »
Arun Jaitley, ministre indien des Finances
(« Quand des millions de personnes à travers le monde ont des préférences sexuelles alternatives, il est trop tard pour demander leur emprisonnement. L’opinion de la haute cour de Delhi apparaît plus acceptable. »)
On le comprend à demi-mot, le ton et la phraséologie du ministre n’ont rien d’enthousiaste ni même de militant.
De fait, les organisations LGBT et la classe politique ont accueilli les propos du ministre avec circonspection. Elles soupçonnent un discours de circonstance, voire une manœuvre politique. Le BJP du Premier ministre Modi vient en effet de subir un revers électoral au Bihar, un État situé dans le nord-est du pays Bihar.
Narendra Modi est réputé proche d’une mouvance fondamentaliste hindoue dont les prises de position n’ont jamais été friendly.
Le quotidien Times of India, ouvertement favorable à la dépénalisation de l’homosexualité, fait semblant de se demander pourquoi le gouvernement s’adresse à la Cour suprême pour faire dépénaliser l’homosexualité. Il serait tellement plus facile de déposer un projet de loi dont l’adoption nécessite une simple majorité des voix. Et c’est justement ce que la Cour suprême, en 2013, suggérait au précédent gouvernement de faire.
Philca / MensGo
(via Maximum India – Mediapart du 29 novembre et Courrier international du 30 novembre 2015)