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(Blogmensgo, blog gay du 25 octobre 2018) Le site de rencontres gays PlanetRomeo a réalisé un sondage, auprès de ses membres qui résident là-bas, sur les perspectives et attentes consécutives à la dépénalisation de l’homosexualité en Inde le 6 septembre 2018. Sur les 3.392 répondants, pas moins de 68 % ont l’intention d’aller à une prochaine Gay Pride ! Le sondage de PlanetRomeo présente de sérieuses limitations méthodologiques – dont le réseau social gay ne fait pas mystère – tout en offrant, ne serait-ce qu’à titre indicatif, une première estimation à grande échelle du contexte post-dépénalisation.
L’Inde est le deuxième pays le plus peuplé du monde, avec 1,28 milliard d’habitants en 2017, selon Wikipédia. PlanetRomeo signale que d’un point de vue statistique, la population LGBT+ y avoisine les 42 millions de personnes, soit environ 3,28 % de la population totale. Le dernier tableau du sondage suggère plutôt une population LGBT+ de 34 millions d’individus, qui correspondrait selon les chiffres de PlanetRomeo à 4 % de la population indienne totale – mais ce dernier pourcentage est manifestement erroné, car un agglomérat de 34 millions correspond de fait à 2,65 % de 1,28 milliard.
Le deuxième biais méthodologique tient à la composition des 3.392 personnes ayant répondu au questionnaire. Il s’agit de membres du réseau de rencontres gays PlanetRomeo, donc en principe de gays, bis ou trans, mais pas de lesbiennes, ce qui réduit l’échantillon LGBT à un échantillon GBT qui constituerait statistiquement 51 % de la population LGBT+ indienne (PlanetRomeo ne précise pas d’où vient ce chiffre). On note en outre une très forte surreprésentation des 26-35 ans – presque la moitié de l’échantillon.
Ultime biais méthodologique, mais il est inhérent à tout sondage de ce genre : il ne reflète que le profil des membres de PlanetRomeo et compile des réponses à caractère déclaratif. Autrement dit, l’échantillon n’est pas nécessairement représentatif de la population LGBT réelle (surreprésentation des moins de 35 ans, même si la population indienne est plutôt jeune, et surreprésentation de la population urbaine) et les déclarations recueillies peuvent ne jamais se matérialiser.
Le sondage de PlanetRomeo a néanmoins le double mérite d’exister et de fournir pour la première fois un aperçu psycho-socio-statistique de la population LGBT+ en Inde.
Seuls 6 % des répondants se disent complètement out, et environ 50 % restent totalement dans le placard, les autres n’ayant procédé qu’à un coming out partiel. Si quelque 45 % n’ont aucune intention de sortir du placard, plus de 10 % ont déjà prévu de faire leur coming out gay, bi ou trans – le sondage ne précisant pas si cette décision a été prise avant ou après la dépénalisation de l’homosexualité début septembre 2018.
Supposons que les LGBT constituent 3,28 % de la population indienne, que cette population LGBT englobe 51 % d’hommes GBT et que la représentativité de l’échantillon de PlanetRomeo soit parfaite. On aurait donc 21,42 millions de gays, bis et trans dont 10 % comptent sortir du placard prochainement. Cela représenterait la bagatelle de 2,14 millions de coming out potentiels, sans compter ceux qui interviendront à plus long terme !
Deux tiers des répondants ne sont pas mariés. Le mariage ne pouvant être qu’hétérosexuel en Inde, 33 % des répondants ont donc épousé une femme. Soit plus de 28 % des répondants dont l’épouse ignore l’homosexualité – ou la bisexualité – du mari et moins de 5 % des sondés dont la femme connaît l’orientation sexuelle.
Parmi les 33 % de répondants ayant dit être mariés, plus de 70 % n’ont pas l’intention de sortir du placard. En revanche, 28 % des gays, bis et trans déjà mariés envisagent un coming out. Si pour environ 24 % il ne s’agit que d’une simple hypothèse (« peut-être »), quelque 3 % ont fermement l’intention d’annoncer leur homosexualité ou leur bisexualité.
Sur une hypothèse nationale de 21,42 millions de gays, bis et trans, on en aurait donc 7,07 millions déjà mariés, dont 212.100 individus résolus à sortir du placard. Le chiffre, s’il se matérialise, a de quoi impressionner.
On peut présumer qu’une partie des 5 % de femmes connaissant l’homosexualité du mari sont elles-mêmes lesbiennes. On peut aussi présumer qu’une proportion inconnue – mais peut-être significative – d’épouses ignorant l’homosexualité ou la bisexualité de leur mari sont elles-mêmes lesbiennes. PlanetRomeo suggère en s’amusant que 100.000 maris gays (soit plus de 47 % des gays mariés, ce qui semble excessif) pourraient alors vivre le coming out… de leur épouse qui révélerait qu’elle est lesbienne ou bisexuelle.
Les autres chiffres issus du sondage me paraissent assez anodins et prévisibles, sauf celui-ci : la dépénalisation de l’homosexualité aurait décrispé à ce point les mentalités que, selon PlanetRomeo, 28 % des jeunes de 18-25 ans qui ne le font pas déjà auraient l’intention de militer pour les droits LGBT+. Reste à savoir ce que chacun entend par devenir militant LGBT (to become a gay rights activist), le militantisme étant un concept à géométrie variable.
On aura du mal à distinguer, dans ce sondage, les éléments qui relèvent de l’immédiat et de l’éphémère (proximité chronologique de la dépénalisation) et ceux qui se révéleront plus durables, voire plus porteurs de sens. Quoi qu’il en soit, et malgré ses imperfections, le sondage de PlanetRomeo atteste l’émergence d’un espoir à la dimension de l’Inde : immense et enthousiaste.
Philca / MensGo