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(Blogmensgo, blog gay du 17 décembre 2018) La chambre des affaires familiales de la Haute Cour de Singapour a autorisé un homme gay à adopter son fils biologique, aujourd’hui âgé de 5 ans et né à l’étranger d’une mère porteuse après fécondation in vitro. Le demandeur, dont l’identité n’a pas été révélée, avait été débouté de sa demande l’an dernier en première instance. La décision judiciaire du 17 décembre 2018 précise que la formation de trois juges, présidée par Sundaresh Menon, a agi dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Le demandeur est un gay vivant maritalement avec son compagnon depuis 2003. Tous deux ont aujourd’hui environ 45 ans et sont de nationalité singapourienne. Le couple souhaitait adopter un enfant, mais ne pouvait pas le faire en raison de son orientation sexuelle, car la loi singapourienne réserve l’adoption aux couples mariés et n’autorise pas le mariage gay.
Les deux hommes ont donc engagé une mère porteuse aux États-Unis et ont versé l’équivalent de 120.000 euros au titre du contrat de gestation pour autrui (GPA). L’enfant, né en novembre 2013, est le fils biologique du demandeur et d’une donneuse anonyme d’ovocyte. La mère porteuse a porté l’embryon après fécondation in vitro.
L’enfant n’ayant obtenu des autorités singapouriennes qu’un visa de long séjour jusqu’en avril 2015, le demandeur a sollicité la naturalisation de son fils biologique, « dans l’intérêt de l’enfant », ce qui lui fut refusé. Le ministère des Affaires familiales et sociales a alors suggéré au père biologique d’adopter son enfant afin d’établir ainsi un lien légal avec lui, susceptible de faciliter sa naturalisation. Mais au terme de trois années d’instruction, un rapport de la direction des affaires sociales a préconisé de refuser l’adoption car le demandeur forme un couple homosexuel alors que le mariage entre personnes de même sexe n’est pas autorisé par la loi singapourienne.
Le juge de première instance a débouté le demandeur en arguant que la GPA n’est pas applicable à Singapour et que la tentative d’adoption reviendrait à contourner la loi. D’où l’appel déposé par le demandeur devant la Haute Cour, qui correspond à la chambre basse de la Cour suprême.
Le demandeur (le père biologique gay) et le défendeur (le ministère de la Justice) ont d’abord argumenté sur des points de droit. Dans quelle mesure fallait-il tenir compte de l’ordre public ? Une ordonnance d’adoption aurait-elle été contraire à l’ordre public ? Sur ces deux points, la cour a fourni une argumentation juridico-juridique sur laquelle je ne m’étendrai pas, faute d’avoir tout compris.
La décision judiciaire s’est appuyée, pour l’essentiel, sur l’examen de deux autres éléments fondamentaux. Primo, la loi de 2012 sur l’adoption des enfants proscrivant tout paiement aux parents de l’enfant à adopter, le paiement d’une mère porteuse est-il de nature à invalider une demande d’adoption ? Secundo, et ce fut là le point le plus âprement discuté, une ordonnance d’adoption pouvait-elle être prise « pour le bien-être de l’enfant » même si la loi en vigueur s’y oppose ?
Sur ce dernier point, la cour a statué qu’une ordonnance d’adoption serait conforme au bien-être de l’enfant « en tout point et selon l’acception la plus complète de ce mot ». Autrement dit, le « bien-être physique, intellectuel, psychologique, émotionnel, moral et religieux » de l’enfant, « tant à court terme qu’à long terme ».
La cour a également fait valoir que l’on n’œuvrerait pas au bien-être de l’enfant en refusant un droit parental à son père et en n’autorisant l’enfant à hériter que par voie testamentaire et non pas comme la loi autorise automatiquement les enfants à hériter de leurs parents.
Pourtant, a reconnu la cour, le fait d’avoir rémunéré la mère porteuse constitue une violation de la législation singapourienne relative à l’adoption d’enfants, de même que la formation d’une famille homoparentale est contraire à l’ordre public.
Et la cour de conclure par une formulation à double tenant :
However, in all the circumstances of this case, neither of these reasons justified ignoring the statutory imperative to promote the welfare of the Child and to regard it as first and paramount. That imperative was also supported by the evidence, which showed that the welfare of the Child would be materially advanced by making an adoption order. With difficulty, therefore, the court concluded that an adoption order ought to be made in this case.
[Toutefois, dans toutes les circonstances de cette affaire, ni l’une ni l’autre de ces raisons ne justifiait d’ignorer l’impératif légal de promouvoir le bien-être de l’enfant et de le considérer comme primordial et prépondérant. Cet impératif était également étayé par la preuve, qui montrait que le bien-être de l’enfant serait matériellement amélioré si une ordonnance d’adoption était rendue. Par conséquent, non sans difficulté, la cour a conclu qu’une ordonnance d’adoption devrait être rendue dans cette affaire.]
La décision de la Haute Cour est susceptible d’appel devant la Cour d’appel, chambre haute de la Cour suprême de Singapour.
Commentaire. Le juge Sundaresh Menon aurait pu se prénommer Salomon, tant son jugement est empreint de sagesse.
Cette victoire judiciaire, pour importante qu’elle soit, correspond néanmoins à une demi-victoire. Il subsiste de nombreuses zones d’ombre, et non des moindres.
Concrètement, le jugement du 17 décembre 2018 revient plus ou moins à dire ceci : on vous donne raison pour cette fois-ci, mais qu’on ne vous y reprenne plus. Voilà pourquoi j’ai qualifié cette victoire judiciaire de demi-victoire. Il faudra une seconde demi-victoire pour que la victoire soit complète. Et cette demi-victoire implique d’une part la légalisation des relations homosexuelles masculines entre adultes consentants, d’autre part la légalisation du mariage entre personnes de même sexe et du droit à l’adoption homoparentale.
Philca / MensGo