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Bilal Hassani, personnalité LGBTI la plus influente du monde en 2019, selon Vanity Fair

(Blogmensgo, blog gay du 26 mars 2019) Qui sont les 20 personnalités LGBTI les plus influentes du monde en 2019 ? Le site web du mensuel français Vanity Fair place Bilal Hassani, chanteur de 19 ans et futur représentant de la France au concours de l’Eurovision, en tête d’un classement qui réserve quelques surprises. On ne dévoilera pas l’intégralité du palmarès et l’on se bornera ici à quelques réflexions sur cette hiérarchie et sur plusieurs des personnalités qui la composent.

Prime à la proximité et à l’immédiateté

Pourquoi couronner un jeune homme peu connu du grand public il y a seulement quatre mois et presque inconnu en dehors des frontières françaises ? Avant d’évoquer quelques-uns des noms avancés par Vanity Fair, il convient d’en étudier les critères de classement.

Le chapô du dossier en ligne donne une idée approximative de la méthode utilisée. Les personnalités sont classées pour « leur art, leur militantisme ou leur combat politique » et parce qu’elles « ont une voix qui compte », laquelle est mise « le plus souvent au service des droits des minorités ».

Cela exclut d’emblée les gens qui restent dans le placard et ceux qui restent murés dans le silence et l’inaction. Des gens out qui ne servent pas ouvertement – je n’ose dire ostensiblement – la communauté LGBT n’ont rien à faire dans ce classement. N’est-ce pas, Tim Cook ?

Cela exclut aussi les personnalités LGBTI qui n’ont pas de réelle « actualité » militante. L’instant présent prime le passé historique, au risque de surévaluer l’événement éphémère ou anecdotique par rapport à l’événement historique ou marquant. L’actualité ne doit pas non plus être trop récente ; c’est ainsi que le comportement exemplaire du Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, qui a ouvertement évoqué son homosexualité devant les dirigeants de la Ligue arabe, aurait sans doute été propulsé en première position du palmarès si son discours militant avait été prononcé quelques semaines plus tôt.

Le dernier biais tient à l’histoire même de la version française de Vanity Fair. Il s’agit ici d’un magazine d’origine américaine, ce qui explique le tropisme très franco-américain – ou plutôt franco-anglophone – du palmarès LGBT.

Belle diversité du palmarès, mais avec plusieurs dominantes

Loui Sand, un coming out trans dans le handball suédois

Revenons-en au palmarès. On affirmera sans ambages que la 20e place accordée à Loui Sand résulte plus de l’actualité immédiate que de l’importance du handball suédois féminin. L’actualité date du 7 janvier 2019, date à laquelle la handballeuse suédoise Louise Sand annonçait la fin de sa carrière et le ressenti d’une identité masculine qui l’amènera, au terme d’un processus de transition, à s’appeler Loui Sand et non plus Louise Sand.

En intégrant le palmarès de Vanity Fair, Loui(se) Sand offre en outre une meilleure visibilité aux personnes nées dans un corps féminin et qui n’envisagent pas d’autre identité que masculine.

Loui Sand
Loui(se) Sand sur Instagram.

De fait, les personnes trans composent un quart du palmarès, Loui Sand étant la seule de ces cinq personnalités trans à être née dans un corps féminin.

Les autres personnalités du classement sont gays, lesbiennes, voire bisexuelles. On note aussi la bonne représentation de l’industrie du spectacle, avec pas moins de 12 vedettes : chanteurs (comme Bilal Hassani) ou chanteuses ou DJ, acteurs ou actrices, animateurs ou animatrices de télévision, et même une danseuse.

Jean Wyllys poursuit le combat, mais ailleurs

Autre catégorie bien représentée, celle des personnalités politiques, avec cinq nominations. Dont la plupart des noms étaient encore quasi inconnus il y a un an. Actualité immédiate oblige, le député gay brésilien Jean Wyllys occupe la 3e place du classement depuis qu’il a quitté le Parlement et fui le Brésil, par crainte d’un attentat ou de persécutions homophobes dans son pays. Le représentant des populations LGBT au Parlement estime en effet que l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil a libéré la parole LGBTphobe.

Pete Buttigieg, un gay à la Maison-Blanche ?

Le 8e du classement est inconnu en Europe et méconnu dans son propre pays, les États-Unis. Il s’agit de Pete Buttigieg, 37 ans, maire depuis 2012 d’une ville moyenne dans l’Indiana, South Bend, et qui brigue l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2020. Buttigieg, ouvertement gay, estime que son homosexualité ne constitue ni un argument de campagne ni un motif de rejet pour sa candidature.

Pete Buttigieg
Pete Buttigieg livre son témoignage… et son programme. ©Liveright

Comme tout politicien américain ambitieux qui se respecte, Pete Buttigieg vient de publier une autobiographie au fort accent électoraliste ; depuis lors, la presse américaine commence à le prendre au sérieux (j’ai puisé quelques infos notamment dans cet article). Dans ce livre intitulé Shortest Way Home: One Mayor’s Challenge and a Model for America’s Future (le titre fait référence à une citation de James Joyce), l’auteur ne dévoile son homosexualité que vers la quarantième page. Il faut attendre le seizième chapitre, dans la sixième et avant-dernière partie, pour que Buttigieg (se) pose la question essentielle : « comment concilier ma vie professionnelle avec le fait que je suis gay » ? (how to reconcile my professional life with the fact that I am gay).

Pete Buttigieg est un ancien militaire de carrière. Il aura à peine connu l’ère du tristement célèbre Don’t ask, don’t tell (ne rien demander, ne rien dire) dans lequel l’armée américaine emmurait son personnel LGBT lorsqu’il était lieutenant de l’US Navy en Afghanistan (il parle d’ailleurs couramment l’arabe et le dari). L’interdiction faite aux militaires gays de vivre leur homosexualité au grand jour étant abolie, Buttigieg n’avait plus grand-chose à craindre de ce côté-là, d’autant plus qu’il est aujourd’hui simple officier de réserve.

À 33 ans, il était déjà diplômé de Harvard, savait « commander un sandwich en sept langues » étrangères (outre l’anglais, l’arabe et le dari, il parle couramment le maltais puisque son père est un immigré maltais, ainsi que le français, l’espagnol, l’italien et le norvégien) et entamait son second mandat de maire (on ne peut s’empêcher de lui trouver moult points communs avec un autre jeune politicien gay, Jared Polis, le nouveau gouverneur du Colorado, qui a pour sa part étudié à Princeton). Mais à 33 ans, il était encore dans le placard et n’avait jamais connu le grand amour. Il ne restait plus qu’à officialiser son homosexualité et à trouver l’homme de sa vie.

C’est seulement en janvier 2015 (on précisera que Buttigieg est né un 19 janvier), à l’âge de 33 ans, que Pete Buttigieg a révélé son homosexualité à ses parents… qui s’en doutaient depuis longtemps. Quelque temps plus tard, il dévoilait son homosexualité à ses administrés. Non pas en catimini, mais dans une tribune du bulletin municipal. Un bel exploit, si l’on se souvient que le très homophobe Mike Pence, actuel vice-président des États-Unis, était à cette époque-là le gouverneur de l’Indiana.

Une fois sorti du placard, il ne restait plus à Pete Buttigieg qu’à vivre son homosexualité au grand jour. C’est sur internet qu’il a rencontré Chasten Glezman, avant de l’épouser le 16 juin 2018.

Quand un Noir nommé Barack Obama publia son autobiographie, en 1995, nul n’imaginait alors qu’il serait élu président des États-Unis treize ans plus tard. Quand un gay nommé Pete Buttigieg publie son autobiographie en 2019, il n’est pas le seul à croire qu’il pourrait devenir le premier président américain ouvertement gay.

Bilal Hassani, première victoire avant l’Eurovision

C’est Bilal Hassani qui représentera la France au concours Eurovision de la chanson 2019, du 14 au 18 mai prochain. Le jeune homme de 19 ans, ouvertement homosexuel et queer, a-t-il une chance de l’emporter ? Si l’on en juge par sa voix et la chanson qu’il a choisie, non. Si l’on en juge par sa présence médiatique, sa scénographie, sa popularité, son militantisme, les paroles de la chanson et la manière dont il a remporté les sélections françaises, oui. Et malgré tous les défauts ou imperfections qu’on peut lui trouver, ce serait une victoire magnifique et amplement méritée.

Bilal Hassani sur Deezer
Sur Deezer comme partout ailleurs, Bilal Hassani se prépare au triomphe. ©deezer.com

Bilal Hassani, c’est un chanteur à perruque, fan de Conchita Wurst, qui avait remporté le concours de l’Eurovision en 2014, au point d’avoir repris une de ses chansons l’année suivante en participant à The Voice Kids. L’adolescent Bilal Hassani n’était pas allé jusqu’en finale de The Voice Kids, alors que l’adulte Bilal Hassani représentera la France en finale de l’Eurovision.

La voix de Bilal n’égale pas celle de Conchita. Il interprétera une chanson intitulée « Roi » dont la mélodie, assez quelconque, ne propose pas grand-chose d’extraordinaire. Et pourtant, le clip officiel suggère un vrai potentiel scénique…

La version officieuse du clip, postée sur YouTube par Bilal Hassani, montre un aspect moins formaté, plus personnel et plus intéressant du jeune auteur-compositeur-interprète…

Ce clip-là pourrait tout aussi bien s’intituler « Moi, Bilal, ma vie, mon œuvre ». Sauf que – à moins que je ne me trompe – Bilal ne met pas en avant son propre personnage par mégalomanie, mais par engagement personnel. Les paroles de la chanson le confirment : il est comme il est (gay), l’a toujours été, le sera toujours, a beaucoup souffert de la méchanceté des homophobes et en souffrira longtemps encore, mais transforme l’adversité en quelque chose de positif, se sait porteur d’un message et veut le transmettre.

Bilal Hassani est à la fois un showman et un militant. Telles sont ses deux armes de séduction massive. Certes, Bilal était moins beau qu’Amir, chantait moins bien que Chimène Badi, interprétait une chanson moins parfaite que celles d’autres candidats pour représenter la France à l’Eurovision. Mais le sens du spectacle et le militantisme de Bilal Hassani possèdent deux atouts qu’aucun autre concurrent ne possède à un aussi haut degré : d’une part une absolue maîtrise des réseaux sociaux et de leurs codes, d’autre part des hordes de fans et de followers prêts à remuer pixels et smartphones pour faire gagner leur idole – et, par ricochet, pour faire la nique aux homophobes.

Bilal Hassani dans Technikart
Bilal Hassani superstar ! ©Technikart

Contrairement à la plupart de ses adversaires au concours de sélection nationale, Bilal Hassani s’est comporté comme on l’attendrait de n’importe quelle vedette : en mobilisant ses fans, en suscitant la sympathie d’autres influenceurs (en particulier sur Instagram et sur YouTube), mais aussi en multipliant les apparitions dans les médias – y compris ceux qui n’ont pas l’habitude d’évoquer ce type d’artiste ou d’univers, comme Le Monde ou même Le Figaro.

Mieux encore, Bilal Hassani s’est déjà programmé – quelle que soit l’issue de l’Eurovision – une tournée de spectacles dans toute la France au dernier trimestre 2019, avec une soirée dans la mythique salle parisienne de l’Olympia, le 21 octobre. Et encore mieux, il a déjà commencé en avant-tournée, en prélude à celle qu’il fera… après sa victoire à l’Eurovision.

Et tandis que je préparais et rédigeais cet article, le jeune artiste a sorti deux nouvelles chansons, intitulées « Jaloux » et « Fais beleck » (l’expression fais beleck signifie, en argot, fais attention). Le premier titre mise sur des paroles très « écrites » et le second titre propose des rythmes plus « jeunes » et contemporains. Deux singles avant le grand événement paneuropéen : une recette de pro pour entretenir la passion, faire monter la pression et augmenter son capital de sympathie auprès du public.

Voilà donc un jeune artiste dont l’univers musical et le talent vocal ne correspondent pas à mes goûts – moi, c’est plutôt Yma Sumac et Klaus Nomi, Elton John et Ahnoni, ou encore Rufus Wainwright et… Patrick Juvet, eh oui !

Vais-je voter pour lui, malgré les défauts que je viens d’énumérer ? Réponse : oui, et plutôt deux fois qu’une. Même si pour cela il me faudra, pour la première fois de ma vie, voter en ligne. Car ce sont des gens comme Bilal Hassani, Eddy de Pretto (victime d’homophobie) ou Aya Nakamura (victime de racisme) qui, bien mieux que leurs aînés, font réellement bouger les lignes.

Cela n’enlève rien aux qualités de certains de leurs aînés. Prenons par exemple Lara Fabian, 49 ans, soit trois décennies de plus que Bilal Hassani. Il y a plus de vingt ans, elle sortait une chanson intitulée « La différence ». Un tube pour la communauté LGBT, servi par une voix exceptionnelle et un très beau clip en noir et blanc…

Lara Fabian chante cet hymne LGBT et antiraciste dans tous ses concerts, sans exception, depuis la sortie de cette chanson en 1996. Y compris en Russie, à plusieurs reprises dans le passé. Sa dernière tournée en Russie lui a valu une « énorme amende » à cause de cette chanson pourtant interprétée en français et non pas en russe, mais illustrée par les photos d’Olivier Ciappa montrant des couples LGBT réels ou imaginaires. Lara Fabian se s’imagine pas exclure la Russie de sa tournée internationale en 2020, elle se refuse à ne pas y interpréter « La différence »… et elle craint pour son intégrité physique en Russie, où malgré sa grande popularité elle aurait reçu des menaces plus ou moins explicites.

Pour les gens qui ne maîtriseraient pas bien le français, voici la même chanson accompagnée de son texte intégral. On y comprend ce que risque Lara Fabian en Russie…

Au fait, Lara Fabian a participé elle aussi à une finale du concours Eurovision de la chanson. Mais c’était en 1988, elle représentait le Luxembourg – comme avant elle, en 1965, une autre artiste hyperfriendly, France Gall – et n’avait pas encore enregistré son hymne à la différence.

N’oublions pas que la finale du concours Eurovision de la chanson se déroulera le 18 mai 2019. Donc le lendemain de la Journée internationale de lutte contre l’homophobie, organisée le 17 mai de chaque année. Une victoire de Bilal Hassani au lendemain d’une journée aussi emblématique, voilà qui ne manquerait pas de panache.

Philca / MensGo

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