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(Blogmensgo, blog gay du 25 avril 2019) Les deux chambres du Parlement de Tasmanie ont définitivement adopté en troisième lecture, le 10 avril 2019, une série d’amendements à la loi n° 47 de 2018 visant à faciliter la vie des personnes transgenres, intersexes ou non binaires. Concrètement, ces personnes pourront déterminer elles-mêmes leur identité de genre et la faire reconnaître – sans opération chirurgicale, ni traitement psychiatrique, ni attestation médicale – sur leur certificat de naissance. La Tasmanie passe ainsi, en quelques années, de la politique la plus rétrograde de toute l’Australie en matière de droits LGBT à l’attitude en apparence la plus friendly de tout ce pays-continent – même s’il reste encore beaucoup de progrès à faire.
La principale innovation de cette nouvelle loi porte sur les modalités administratives du changement de genre. Pour toute personne âgée d’au moins 16 ans, il suffira de faire une déclaration solennelle – même sans l’accord des parents – pour obtenir que l’identité de genre de cette personne soit modifiée sur le certificat de naissance. Auparavant, aucune personne âgée de moins de 18 ans ne pouvait faire valider un changement de genre sans l’autorisation des parents.
Le certificat de naissance est nécessaire, en Australie, pour établir toute une série d’autres documents officiels, en particulier une preuve de l’âge de la personne concernée à l’entrée dans la vie active.
Dans le cas de personnes ayant moins de 16 ans, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants intersexes, les parents sont habilités à ne pas faire mentionner le genre de l’enfant sur son certificat de naissance. Ils obtiennent ainsi un délai supplémentaire avant de prendre une décision administrative concernant le genre auquel appartient l’enfant.
Il semble que la nouvelle loi interdise toute discrimination à l’encontre des personnes trans (à vérifier, car je n’ai pas trouvé le texte complet de la proposition de loi validée par le Parlement tasmanien) en raison de leur transidentité ou de l’identité de genre affichée par ces mêmes personnes.
Contrairement à ce qu’ont affirmé des adversaires du texte, la nouvelle loi n’interdit pas d’indiquer le genre d’une personne sur le certificat de naissance, elle se contente de rendre facultative une telle mention (en plus de faciliter la modification ultérieure du genre de la personne). Autrement dit, la nouvelle loi ne changera strictement rien pour quiconque, sauf pour les personnes trans. Les parents, actuels ou futurs, ne seront donc nullement tenus de faire établir des certificats de naissance non genrés.
La Tasmanie fut en 1997 le dernier État d’Australie à dépénaliser les relations homosexuelles. Jusqu’en 2000, la loi tasmanienne faisait même du travestissement un délit pénal : un homme ne pouvait pas s’habiller en femme ni une femme en homme, et les personnes trans vivaient un enfer dans cette île soi-disant paradisiaque.
Le législateur a ensuite transformé la Tasmanie en précurseur friendly. La Tasmanie est ainsi devenue successivement le premier État australien à légaliser une forme de pacs puis à instituer le mariage entre personnes de même sexe. Et à l’occasion du référendum postal sur le mariage gay, la Tasmanie a enregistré le quatrième plus fort taux d’avis favorables au mariage homo (63,6 %), soit exactement deux points de plus que la moyenne nationale.
Concernant les personnes trans, la Tasmanie fut aussi le premier État australien à abroger l’obligation faite aux personnes trans de divorcer avant toute reconnaissance légale de leur modification de genre. La nouvelle loi confirme qu’une personne trans n’a plus besoin de divorcer pour que son identité de genre soit officiellement reconnue, puisqu’il suffit désormais de faire modifier le genre sur le certificat de naissance.
Ce radical changement d’attitude apparaît d’autant plus remarquable que le gouvernement tasmanien au pouvoir s’est chaque fois prononcé contre les nouvelles dispositions votées par le législateur et plus favorables à la communauté LGBT+. C’est ainsi que le texte adopté 10 avril 2019 résulte d’une proposition de loi présentée conjointement par l’opposition travailliste et les Verts, mais combattue par le gouvernement de la Tasmanie.
L’Australie avait déjà supprimé la mention du genre sur les permis de conduire. Depuis la légalisation du mariage homosexuel en Australie, le 7 décembre 2017, il ne subsiste plus aucune raison valable de rendre obligatoire la mention du genre sur des documents officiels, puisque la principale raison d’une telle obligation était précisément d’empêcher tout mariage entre personnes de même sexe.
Il reste néanmoins beaucoup à faire en Tasmanie pour une reconnaissance pleine et entière des personnes trans comme exactement semblables aux autres personnes.
La nouvelle loi entrera en vigueur quatre-vingt-dix jours après le vote ou après sa promulgation. Ne retrouvant pas le texte où j’avais lu ça, je ne me souviens plus à partir de quand exactement démarre cette période de trois mois. Disons que la loi sera applicable d’ici quatre mois tout au plus, donc vers la mi-août 2019. Mais le gouvernement tasmanien fait savoir dès maintenant qu’il envisage de réexaminer la nouvelle loi – et éventuellement de l’amender ou de l’abroger – en octobre 2019, à l’occasion d’un toilettage législatif et en prétextant les effets secondaires nocifs du texte voté par les élus, alors même qu’un audit officiel a déjà conclu à l’innocuité des dispositions votées le 10 avril.
C’est dire que même si le Parlement de Tasmanie vient de faire un grand bond en avant, ce dont les associations comme Tasmanian Families for Trans Kids et Transforming Tasmania se félicitent, la perspective d’un grand bond en arrière ne doit surtout pas endormir la vigilance des personnes LGBTQI en général, et en particulier les personnes trans et intersexes.
Philca / MensGo