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(Blogmensgo, blog gay du 6 décembre 2019) Le 8e classement annuel de l’inclusivité municipale aux États-Unis, ou Municipal Equality Index (MEI), a vu 88 des 506 villes évaluées obtenir le score maximum de 100 points au regard de leur politique à l’égard de la population LGBT. Supervisé par la Human Rights Campaign Foundation en partenariat avec l’Equality Federation Institute, ce palmarès signifie que 88 villes américaines font (presque) tout pour accueillir, respecter et protéger les gays, bis, lesbiennes et trans sur l’ensemble de leur territoire par l’entremise de lois, réglementations, subventions, programmes et initiatives spécifiques. Cela atteste donc d’une politique municipale réellement inclusive dans ces 88 villes, même si l’attitude des habitants à l’égard des personnes LGBT peut se révéler moins accueillante voire plus froide, et même si certaines de ces villes sont situées dans des États plutôt ou très LGBTphobes. Si le MEI étatsunien est encore plus complet que le palmarès des villes françaises dont on a jadis parlé ici, c’est surtout pour des raisons techniques – et aussi par l’ampleur des moyens et des sponsors.
Pas moins de 88 villes (soit 17 % du panel) ont obtenu la note maximale de 100, tandis que 14 villes (environ 3 % du panel) n’ont obtenu aucun point, le score moyen étant de 60 points (en hausse de 2 points par rapport à 2018). Un quart des villes a obtenu moins de 40 points, un autre quart plus de 89 points et la moitié des villes plus de 60 points.
Seules 11 villes réalisaient un score maximum de 100 points lors de l’édition 2012 et, en 2018, on dénombrait 78 villes affichant un score parfait. Le nombre de villes ayant obtenu la note maximale a donc connu une augmentation de 10 unités en un an, alors même que les critères étudiés en 2018 et 2019 sont restés strictement identiques. De même peut-on constater que 38 villes ont enregistré un score meilleur en 2019 qu’en 2018.
On ne s’attardera pas sur le cas des 14 villes ayant obtenu un zéro pointé.
Les 506 villes du panel ont été auscultées à l’aune de presque 100 critères, des plus généralistes jusqu’aux plus pointus.
On mentionnera ci-dessous quelques-uns de ces critères, avec entre parenthèses le nombre de villes concernées et la progression unitaire en 2019 par rapport à 2018. L’indication top-88 fait référence aux 88 villes ayant obtenu 100 points.
Des dizaines d’autres critères sont comptabilisés dans le classement final. Par exemple, le fait de transmettre au FBI des statistiques sur les crimes et délits LGBTphobes (toutes les top-88), le fait d’avoir un maire ouvertement LGBTQ ou qui a fait nommer de hauts responsables LGBT (66 des top-88), le fait de subventionner directement des services d’aide aux personnes séropos ou sidéennes (63 des top-88), d’avoir une législation plus favorable à la non-discrimination des personnes trans que l’État (36 des top-88), ou encore de subventionner directement des services ciblant la communauté trans (29 des top-88).
Pas moins de 13 villes californiennes, dont San Francisco évidemment, ont obtenu un score de 100 points. On ne s’en étonnera pas outre mesure, puisque la Californie – en particulier dans les régions côtières – s’enorgueillit d’une présence LGBT significative et d’une forte dominante friendly. Faute de pouvoir citer les 88 villes ayant obtenu un score parfait, on n’évoquera ci-après que quelques particularités intéressantes.
Entre les éditions 2018 et 2019 du palmarès, la note de deux villes a gagné plus de 50 points. Il s’agit en l’occurrence d’Overland Park (+54) dans le Kansas et de Norman (+51) dans l’Oklahoma.
Parmi les 59 All-Star Cities qui ont obtenu plus de 85 points dans un État juridiquement plutôt homophobe, certaines sont parvenues jusqu’à 100 points. C’est le cas, entre autres, de Phoenix, Atlanta, Dallas, Cleveland, Detroit, Orlando et Philadelphie.
Sur les 22 points bonus possibles, le maximum de points bonus attribués à une même ville aura été de 17. Six villes ont obtenu les 17 points supplémentaires, ce qui a permis à deux municipalités californiennes (Palm Springs et West Hollywood) d’obtenir les deux points qui leur manquaient pour atteindre un maximum de 100 points, dont les quatre autres villes (Madison, San Antonio, San Francisco et New York) disposaient avant même le décompte des points bonus.
Comme on l’a déjà précisé, le classement d’une ville ne préjuge pas du comportement de ses habitants et de ses entreprises, ou du comté et de l’État dont dépend cette municipalité. On peut par conséquent vivre dans une ville du top-88 où des entreprises privées ont le droit de discriminer des personnes LGBT tant qu’elles n’agissent pas dans le cadre d’un marché public ou d’une délégation de service public à caractère municipal. De même peut-on vivre dans une ville ayant obtenu un faible score MEI alors que la population se révèle plutôt chaleureuse à l’égard des personnes LGBT.
La structuration administrative du paysage urbain américain distingue deux types d’entités : les villes (que l’on peut scinder en cities pour les plus grosses et towns pour les plus petites) et les municipalités (qui correspondraient plus ou moins aux communautés d’agglomération en France). La ville de Washington possède un statut administratif de district et non pas de ville ou de municipalité ; elle ne fait donc pas partie du panel MEI, bien qu’elle ait légalisé le mariage entre personnes de même sexe (ce qu’aucune autre ville n’a légalement le droit de faire aux États-Unis) et qu’elle affiche un taux élevé de couples de même sexe.
Autrement dit, les statistiques du panel MEI ne sont pas représentatives de l’ensemble de l’Amérique urbaine et moins encore de l’Amérique tout entière, puisque plus des deux tiers des habitants n’y sont pas inclus.
On appréciera néanmoins le coup de projecteur très circonstancié qu’offre ce classement, au bénéfice tant des thématiques LGBT que des villes les mieux notées ou qui sont saluées pour leurs progrès remarquables. Le MEI 2019 offre ainsi un joli coup de pub à des villes comme Norman (Oklahoma), Anchorage (Alaska) ou Richmond (Virginie).
L’élaboration d’un tel palmarès n’est toutefois pas transposable ni comparable en l’état avec ce qui pourrait se faire ailleurs. D’abord en raison de la structuration administrativo-juridique de l’espace urbain aux États-Unis. Ensuite, par l’accès aux données publiques, bien plus facile aux États-Unis que dans la plupart des pays européens. Enfin, par le type de données que l’on peut obtenir : alors qu’aux États-Unis on peut collecter des infos sur l’appartenance ethnique et l’orientation sexuelle des administrés, un pays comme la France refuse catégoriquement tout fichage ethnique ou sexuel.
La différence entre ces deux options statistiques produit autant d’avantages que d’inconvénients, et vice versa. Ce n’est pas un mince avantage que de quantifier et de qualifier les ingrédients d’une politique municipale LGBT-friendly, d’en faire connaître le classement et, par là même, de tirer vers le haut les villes qui s’y impliquent. Effet boule de neige, puisque le fait de connaître des critères et une catégorie de population permet de mieux appliquer ces critères et de mieux satisfaire cette population. Autrement dit, on mise sur la visibilité plutôt que sur l’invisibilité.
Le poids des associations, des critères juridiques et des avocats est bien moindre en Europe (à commencer par la France) qu’aux États-Unis. Il en résulte que de nombreuses personnes LGBT du Vieux Continent préfèrent rester invisibles ou ne pas militer ouvertement pour une plus grande inclusivité, par peur de la stigmatisation ou de conséquences fâcheuses. Le contexte ouest-européen, plus propice au respect de la vie privée, porte en germe d’une part l’impossibilité – à tout le moins, la plus grande difficulté – d’établir des palmarès LGBT statistiquement fiables et exhaustifs, d’autre part un balisage administratif et juridique plus incertain, tant pour la collecte des données que pour leur traitement et la diffusion des résultats.
Pour imparfait et lacunaire qu’il apparaisse, le classement MEI a le mérite d’exister, de suggérer une voie vers l’exemplarité et de fournir des éléments de réflexion et de perfectionnement très concrets. Puisse une telle initiative trouver des prolongements ailleurs qu’aux États-Unis.
Méthodologie. L’édition 2019 du Municipal Equality Index (indice municipal d’inclusivité) a évalué 506 villes étatsuniennes totalisant plus de 94 millions d’habitants, soit près d’un tiers de la population nationale. Le score de chaque ville, notant l’inclusivité municipale à l’égard de la population LGBT, s’échelonne de 0 à 100. Des critères applicables à certaines villes seulement ont par ailleurs permis d’obtenir un maximum théorique de 22 points bonus, qui s’ajoutaient à la note régulière, la note définitive restant plafonnée à 100.
Le palmarès MEI, mené dans les 50 États, inclut les 50 capitales (qui, aux États-Unis, ne sont pas forcément les villes les plus peuplées, à l’image d’Olympia dans le Washington ou de Sacramento en Californie), les cinq plus grandes villes ou municipalités de chaque État, les 200 plus grandes villes du pays, 75 villes ou municipalités à forte proportion de couples de même sexe et 98 villes choisies par les antennes locales de HRC et Equality Federation.
Philca / MensGo